Sommeil des ados : "Les écrans créent une excitation peu propice à l’endormissement"
Le Dr Claude Gronfier, neurobiologiste à l'Inserm et vice-président de la société francophone de chronobiologie revient pour Sciences et Avenir sur le sommeil des adolescents, de gros dormeurs décalés.
36 % des Français, principalement les jeunes, utilisent un ordinateur, une tablette ou un smartphone dans leur lit.
5 % des adolescents seraient "accros" aux jeux vidéo.
26 % des collégiens gardent leur téléphone allumé la nuit.
Sciences et Avenir : En quoi le sommeil des adolescents est-il caractéristique ?
Dr Claude Gronfier : L’adolescent a un gros besoin de sommeil, entre 8 et 10 heures par nuit en moyenne, qui n’est souvent pas assouvi.
D’autre part, son sommeil se décale progressivement : il se couche et se lève de plus en plus tard ! Ce qui n’a rien à voir avec de la fainéantise. L’horloge interne circadienne, localisée dans le noyau suprachiasmatique du cerveau, régule un ensemble de rythmes, dont celui du sommeil. Chez l’adolescent, elle fonctionne plus lentement que chez l’adulte, déclenchant l’endormissement plus tard.
Un phénomène extérieur vient amplifier ce retard. Les adolescents sont de grands utilisateurs de smartphone ou ordinateur avant le coucher. Or la lumière des écrans entraîne une excitation psychologique non propice à l’endormissement et a le soir des effets retardateurs sur l’horloge biologique.
Comment la lumière des écrans empêche-t-elle le cerveau de s’endormir ?
La lumière à LED des écrans rétroéclairés est une lumière froide qui est riche en longueurs d’onde bleues. En 2002, ont été découvertes dans la rétine des cellules dites ganglionnaires à mélanopsine qui, lorsqu’elles sont stimulées par la lumière du jour, transmettent un message nerveux au noyau suprachiasmatique, ainsi qu’à des structures cérébrales impliquées dans la veille, l’humeur et la cognition. L’éveil et la vigilance sont alors augmentés, le sommeil inhibé et l’horloge retardée. Comme ces cellules ganglionnaires à mélanopsine sont hypersensibles à la lumière bleue, l’exposition à un écran la nuit, même durant quelques secondes, perturbe le sommeil et l’horloge biologique.
Lire paisiblement un livre électronique perturbe donc le sommeil ?
Oui ! En 2014, Anne-Marie Chang, de la Harvard Medical School (États-Unis), a fait lire un livre à 12 volontaires pendant 4 heures avant le coucher, soit sur une tablette soit sur papier, durant cinq soirs consécutifs.
Ceux qui lisaient sur écran ont mis plus de temps à s’endormir, ont réduit leur sécrétion de mélatonine et leur vigilance en a été diminuée le matin. En analysant le taux de mélatonine sanguin, révélateur de l’heure biologique interne, les chercheurs ont établi que leur horloge interne retardait de une heure par rapport aux lecteurs "classiques". Voilà pourquoi les adolescents accros aux écrans ont tant de mal à se lever le matin !
Peut-on éviter les effets négatifs de la lumière des écrans le soir ?
Les études menées sur les lunettes qui filtrent les longueurs d’onde courtes ont montré des résultats intéressants.
Les applications pour ordinateurs ou smartphones qui atténuent lumière bleue de l’écran le soir, n’ont pas été étudiées mais l’idée va dans le bon sens. La meilleure solution demeure cependant d’exclure les écrans de la chambre, on gagne ainsi de une à deux heures de sommeil par nuit !
Quelques recommandations :
- S'équiper le soir de lunettes orangées ou d'applications qui filtrent la lumière bleue des écrans.
- Eteindre les écrans deux heures avant le coucher.
- S'exposer au maximum à la lumière du jour car le manque de lumière solaire rend encore plus sensible à la lumière des écrans.
Source : Sciences et Avenir : http://www.sciencesetavenir.fr/sante/sommeil/sommeil-des-adolescents-les-ecrans-creent-une-excitation-peu-propice-a-l-endormissement_108386