Un premier plan contre les violences faites aux enfants
La ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes Laurence Rossignol présente mercredi 1er mars un plan interministériel sur trois ans.
La question du meilleur repérage et du signalement des situations à risques est au cœur du dispositif.
C’est un drame invisible et une réalité que l’on n’aime pas regarder en face. Chaque année, en France, des dizaines d’enfants meurent sous les coups de leurs parents. Les chiffres varient du simple au double selon qu’ils sont produits par les services médicaux ou judiciaires.
À titre indicatif, en janvier et février 2017, les cas de neuf enfants ayant trouvé la mort après des violences infligées par leurs parents ou beaux-parents ont été relayés dans les médias. Parmi ces histoires tragiques, celle de Kenzo, 21 mois, qui a succombé à des coups répétés, ou de Yanis, garçonnet de 5 ans qui a trouvé la mort après une punition pour avoir fait pipi au lit.
Des drames « en partie évitables »
« On est émus par ces drames, explique Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes. Et pourtant, ils sont sans doute en partie évitables. Quand on interroge les proches, beaucoup disent qu’ils se doutaient de quelque chose mais qu’ils n’ont rien dit parce qu’ils avaient peur de se tromper. »
C’est donc dans l’espoir de briser ce silence et ces réticences « à se mêler des affaires des autres » que la ministre présente mercredi 1er mars le premier plan interministériel de lutte contre les violences faites aux enfants avec ce slogan «Enfant en danger : dans le doute agissez ! ». Ce programme, adopté en fin de mandature, ne sera pas soumis à l’examen du Parlement et est doté d’un budget symbolique. « Nous lançons le mouvement, estime néanmoins la ministre. Charge à mes successeurs de le faire vivre. »
Un certain flou dans la loi
Difficile pourtant de faire évoluer les mentalités sur un sujet qui suscite une forte réserve. « Dire que la famille n’est pas forcément bienveillante n’est pas simple car cela va à l’encontre des représentations habituelles, explique ainsi le docteur Muriel Salmona, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie. De plus, nous avons grandi avec la vieille idée que nous pouvons réagir avec l’enfant comme s’il nous appartenait et que les violences éducatives sont bonnes pour lui. »
La loi elle-même entretient d’ailleurs un certain flou. Certes, les violences à l’égard des enfants sont proscrites, et considérées comme des circonstances aggravantes (article 222-13 du Code pénal), en revanche, un « droit de correction» parental léger est toléré. Et l’amendement sur l’autorité parentale qui dénonçait la fessée, introduit l’an dernier dans la loi Égalité et citoyenneté, a profondément divisé les parlementaires avant d’être censuré, pour raison de procédure, par le Conseil constitutionnel.
Améliorer les signalements
Loin de vouloir soulever à nouveau les passions, les mesures lancées sont avant tout concrètes. Elles visent notamment à améliorer les signalements. 50 000 enfants sont signalés chaque année auprès des Cellules de recueil des informations préoccupantes (Crip) ou du Parquet. Pour autant, « il n’est pas normal, par exemple, que les médecins soient à l’origine de seulement 5 % de ces signalements, quand on sait que 2 millions d’enfants sont hospitalisés chaque année », explique la ministre.
En cause, plusieurs problèmes. De diagnostic, d’abord. Pendant leur formation initiale, les médecins sont en effet peu formés à détecter les violences faites aux enfants. Puis, les médecins font parfois valoir qu’il leur est difficile de rompre la relation de confiance qu’ils nouent avec leurs patients par un signalement. Ce qui a amené le Conseil de l’ordre et la Haute Autorité de santé à leur rappeler qu’ils ont l’obligation de signaler les cas de violence, au risque d’être poursuivis pour non-assistance à personne en danger.
Un médecin référent nommé dans chaque hôpital
Afin de résoudre ces écueils, le plan prévoit que des documents de formation continue seront envoyés à tous les soignants afin de rappeler, par exemple, qu’avant de savoir marcher, un enfant ne peut pas se faire d’hématomes. Il prévoit aussi qu’un médecin référent pour les violences faites aux enfants soit nommé dans chaque hôpital, afin de pouvoir conseiller et épauler ses confrères.
Autre innovation du plan : les enfants eux-mêmes seront appelés à s’exprimer. Ainsi, d’ici à septembre, des questionnaires types à destination de l’école et des pédiatres doivent être élaborés. L’idée : que la question des violences soit systématiquement abordée avec les enfants, lors de chaque rentrée scolaire ou lors des visites chez le pédiatre.
Les principales mesures
Publier chaque année le nombre d’homicides liés à des violences faites aux enfants.
Systématiser les examens post-mortem en cas de mort inattendue de tout-petits.
Mettre en place un médecin référent chargé de conseiller les professionnels de santé dans tous les hôpitaux.
Repérer les enfants victimes de violences au sein du couple, en renforçant les liens entre les plateformes téléphoniques 119 (Allô enfance en danger) et 3919 (Violences femmes info).
Prévenir l’exposition à la pornographie des plus jeunes, en imposant que tous les terminaux soient équipés par défaut d’un contrôle parental.
Source : http://www.la-croix.com/Famille/Enfants/Un-premier-plan-contre-les-violences-faites-aux-enfants-2017-02-28-1200828295