Famille : l'enfant symptôme
Source : Christilla Pellé-Douël pour Psychologies http://www.psychologies.com/Famille/Relations-familiales/Soeurs-Freres/Articles-et-
Le malaise d’un enfant, son mal-être ou ses troubles peuvent être le signal d’un dysfonctionnement familial. Pourquoi ce phénomène se met-il en place et comment le repérer ?
Raphaël, 3 ans, visage et boucles d’ange, est le troisième enfant d’une famille qui en compte quatre. Mais Raphaël a beau avoir tout d’un ange, c’est un petit diable. « Il n’arrête pas ! s’inquiètent ses parents. Il enchaîne les bêtises, fait des colères, harcèle ses frères et sa petite sœur. C’est épuisant. » À l’école, cela ne va pas mieux. Bref, la vie est devenue infernale. Une visite chez un psychothérapeute s’impose.
Des difficultés cachées
« La thérapie familiale pose qu’il existe un système familial d’interagissements, indique Sylvie Angel, psychiatre, psychanalyste et thérapeute familiale. Au sein de celui-ci, un enfant peut prendre sur lui des difficultés rencontrées par la famille, et signaler, à travers un ou plusieurs symptômes, que quelque chose ne tourne pas rond. »
Dans le cas de Raphaël, il apparaîtra au cours des séances, que son agitation, ses hurlements et le refus de sa petite sœur expriment une souffrance cachée de la famille : une fausse couche de la maman, jamais révélée, a suivi sa naissance.
Pour Xavier Pommereau, pédopsychiatre et directeur du Pôle aquitain de l’adolescent (centre Abadie) au CHU de Bordeaux, « l’enfant symptôme trouve son origine à sa conception. C’est là qu’il faut chercher. Pourquoi et comment les parents ont-ils eu cet enfant ? Et lui, qu’en sait-il ? Et qu’en dit-il ? »
Un langage à décoder
Ce qui s’exprime à travers le symptôme est important, ce n’est pas du « rien » dont il suffirait de traiter les manifestations pour régler le problème. Car c’est bien de langage dont il est question. Le langage du corps – les expressions somatiques telles que l’asthme ou l’eczéma –, mais aussi la parole, celle des parents comme celle de l’enfant. « La clé du problème se cache dans ce qui est dit, qu’il convient d’abord de noter et de prendre au pied de la lettre, puis de “métaphoriser” », expose Xavier Pommereau.
Le symptôme est donc un vecteur d’information. Et de citer le cas de cet adolescent de 15 ans, qui, après une tentative de suicide inattendue, explique : « C’est le bordel chez moi. » Avant que ne surgisse la vérité d’une vie sexuelle cachée – mais inconsciemment connue – du père.
Une occasion de s'interroger
Pour Sylvie Angel, « face à un enfant manifestant des troubles, il demeure fondamental de se poser cette question de l’enfant symptôme : qu’y a-t-il dans ma propre histoire, dans notre histoire, qui pourrait éclairer la situation actuelle ? Qu’est-ce qui n’aurait pas été dit, serait demeuré caché ? Peut-être qu’il n’en est rien et que le trouble n’est pas en lien avec l’histoire familiale, mais cela vaut la peine de s’interroger et d’ouvrir un espace où la parole vraie peut circuler. Par exemple, si le couple connaît des difficultés, mieux vaut en parler avec les enfants, sans entrer dans les détails, plutôt que de faire comme si tout allait bien, alors que les enfants sentent très bien que ce n’est pas vrai.»
Une chance de guérison
L’un des risques que court l’enfant symptôme est d’être désigné comme bouc émissaire, celui qui cristallise les tensions. À trop se focaliser sur ses problèmes à lui, la famille perd une chance de faire la paix avec elle-même. Xavier Pommereau : « Il porte à la fois un problème et la libération de ce problème. Dans l’inconscient, rien ne se perd, tout se libère. De même que la fièvre est à la fois signal et moyen de lutte contre une infection, l’enfant symptôme ouvre la voie à la compréhension et à la résolution du conflit.»
Qui le plus souvent passe par un travail thérapeutique familial.