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Guerres et conflits armés : En parler à vos enfants et prévenir l’anxiété


Source : Centre d’excellence des troubles du neurodéveloppement, Hôpital Robert Debré, Paris. Rédigé par Dr Alicia COHEN (Pédopsychiatre) ; Hélène PONCET-KALIFA (Psychologue) ; Pr Richard DELORME (Chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent).


Comment parler de la guerre et prévenir l’anxiété lorsque des millions d’enfants à travers le monde sont affectés par des guerres ou des conflits armés, de façon directe pour les enfants vivant sur des lieux d’affrontement ou de façon indirecte pour les enfants ayant accès aux informations véhiculées par les médias ou par les adultes qui gravitent autour d’eux.


Il est désormais devenu presque impossible de regarder des informations télévisées ou de parcourir les réseaux sociaux sans être confronté à une image heurtante. Qu’il s’agisse de photos ou vidéos d’un enfant blessé par une bombe, de soldats décédés ou de femmes relatant des faits de violences qu’elles ont subis.


Les enfants et les adolescents sont des consommateurs actifs ou passifs des réseaux sociaux ou des chaînes d’information et sont donc particulièrement confrontés à ce type de contenus. Il n’est pas évident lorsqu’on est parent de savoir comment parler de ce type d’événements à ses enfants, savoir “doser” les informations à leur transmettre et sous quelle forme. De plus, nous sommes de plus en plus confrontés à des “fake news”, des fausses informations diffusées (via les réseaux sociaux, sites d’informations peu fiables ou les groupes de discussion privés) que les gens relaient instantanément avant d’en avoir vérifié la véracité. Ces fakes news peuvent facilement déstabiliser les enfants et les adolescents.

1/ Être exposé à des images et des informations de guerre ou de conflit armé augmente le risque de développer des symptômes anxieux chez l’enfant : Comment reconnaître ces symptômes ?


Les enfants et les adolescents peuvent développer une anxiété liée à la guerre, comme réaction à toutes les informations et images de conflits auxquels ils sont confrontés, surtout dans cette période qui fait suite une pandémie qui dure depuis plus de 3 ans qui les a déjà fragilisés sur le plan de la santé mentale.


Un sondage de “l’American Psychological Association” indique que 80% des gens interrogés ont rapporté un état de stress important en lien avec l’invasion de l’Ukraine par l’armée Russe.

Une étude finlandaise a aussi révélé que les adolescents inquiets à propos de la guerre nucléaire couraient un risque accru de troubles mentaux 5 ans plus tard.

Les jeunes les plus sujets à l’anxiété ont en plus tendance à chercher à s’informer de manière excessive sur l’événement et augmentent ainsi leur niveau d’anxiété par ce cercle vicieux.


Ces symptômes anxieux peuvent s’exprimer de différentes façons :


- Hyper-réactivité émotionnelle : irritabilité, pleurs, tension, agressivité, majoration de l’opposition, trouble du sommeil, refus alimentaire, angoisse de séparation, …


- Ruminations anxieuses excessives autour du thème de la guerre avec des difficultés de concentration, des oublis et parfois un absentéisme scolaire ou un repli au domicile.


- Crainte pour les proches : Entendre fréquemment parler de conflits armés ou être exposé à des images explicites de façon régulière crée un sentiment de menace permanent et omniprésent. Ce climat délétère amène à surévaluer le risque qu’un tel événement arrive. On parle de confusion entre possibilité et probabilité. Il n’est pas rare que des enfants craignent pour la sécurité de leurs parents et de leurs amis sans s’autoriser à en parler.


- Sentiment de perte de contrôle : Les enfants et adolescents exposés régulièrement à la question des guerres (exposition indirecte, médiatique, …) peuvent avoir l’impression que leur environnement est imprévisible, qu’une guerre pourrait exploser brutalement dans leur pays et donc qu’il ne sert plus à rien de planifier ou organiser des événements, des activités. Ils ne parviennent plus à se projeter dans l’avenir, même dans un avenir proche. Cela peut conduire à un abandon de leurs projets et à un isolement.


Au décours immédiat ou à distance des événements (dans les semaines suivants les évènements) on parle de syndrome de stress aigu ou de de syndrome de stress post-traumatique (dans un contexte où soi ou un de ses proches a été dans une situation mettant en péril sa vie)

2/ Prévenir des effets délétères de l’exposition aux images et aux informations concernant la guerre et des conflits armés.

Expliquer en s’ adaptant au niveau de langage et de compréhension de votre enfant :


- Favoriser une discussion partagée : Vous pourrez ainsi le questionner “en direct” sur son niveau de compréhension et sur ses sentiments vis-à-vis de l’événement.

Interrogez-le sur le niveau d’information dont il dispose (”Où / Par qui / Comment en as-tu entendu parler ? Es-tu au courant des nouvelles ? Qu’as-tu entendu à l’école ou à la télévision sur ce sujet?”).


- S’adapter au niveau de langage et de compréhension de votre enfant, notamment dans le niveau de détails avec lequel vous traitez le sujet. Plus l’enfant est jeune, plus les mots choisis et la situation doivent être résumés simplement. Évitez les mensonges. Les enfants ont besoin de faire confiance aux adultes qui les entourent.

Restez généralistes dans vos explications et laissez votre enfant orienter ses questions, les enfants ne réagissent pas tous aux mêmes éléments.

Privilégier des réponses brèves, simples et qui répondent à la question de l’enfant.

Pour les enfants les plus jeunes, ne pas hésiter à vous installer tranquillement avec eux et à leur proposer un temps de dessins ou de jeux pour raconter ce qu’ils savent. Vous pourrez partir de ce point de départ pour parler de la situation avec eux.


- Contextualiser les informations et apprenez à votre enfant à s’informer de manière efficace : Dans cette abondance d’informations, d’images et de scènes de guerres, il est illusoire d’empêcher ses enfants d’être confrontés à ces questions stressantes.


- Favoriser une perception cohérente des risques réels : “Le test de réalité” est un exercice qui vise à relativiser la fréquence de survenue d’un événement, par exemple un conflit armé autour de chez nous. Il s’agit de pouvoir relativiser le risque d’y être confronté directement à l’échelle individuelle. Cela peut limiter l’intensité de l’anxiété. Vous pouvez notamment aider votre enfant à localiser son pays et le pays en guerre qui le préoccupe sur une carte du monde pour qu’il visualise la distance kilométrique entre les deux pays.


- Favoriser le débat avec lui sur les sujets d’actualité tout en lui apprenant l’importance de respecter les points de vue d’autrui et avec une vision équilibrée du monde qui l’entoure.


- Remettre les informations dans leurs contextes : Comprendre le contexte (politique, historique, …) d’un événement permet de prendre du recul et de ne pas subir directement les émotions face aux informations. Il s’agit ici encore de pouvoir donner un sens aux situations menaçantes. C’est d’autant plus vrai quand les événements ont lieu dans un autre pays, les enfants peuvent fonctionner par association en se disant si c’est arrivé là bas cela peut arriver ici alors que le contexte n’est pas le même.


- Guider votre enfant sur la façon de s’informer sans excès : Face à des événements choquants, le désir de mettre du sens, de comprendre peut conduire à se “surinformer” : mettre les chaînes d’information en continu, suivre les nombreux liens partagés sur les réseaux sociaux.

Il est important d’accompagner les enfants et les plus grands dans cette démarche de l’information à tout prix.

Mettre les chaînes d’information en continu ou suivre les nombreux liens partagés sur les réseaux sociaux est le plus souvent très anxiogène.

Cherchez ensemble comment faire pour se préserver, pour résister à l’attrait que peuvent produire ces images, ces récits de personnes touchés par les événements.

Il est parfois utile de verbaliser ce que vous pouvez ressentir lorsque vous-même vous regardez ces informations ou les entendez. Cela permet aussi à votre enfant de se rassurer sur son propre ressenti, et de mieux ajuster ses sentiments.

Sensibiliser votre enfant sur des notions comme la désinformation, les campagnes de propagandes et l’intérêt que certains peuvent avoir à faire circuler des fausses informations.


- Une petite check list de questions à se poser avant d’intégrer l’information :

- La source est-elle fiable ?

- Comment puis-je être sûre qu’elle est fiable?

- Est-ce que cette information peut se retrouver aussi sur un site connu comme fiable ?

- Quel est l’objectif de cette photo/vidéo?

- Qui en est l’auteur ?

- De quand date réellement ces images ? Des images réelles peuvent être détournés si le lieu ou la date sont erronés.

- S’agit-il d’un contenu sponsorisé ? Cela peut donner une indication sur l’intention derrière le contenu.

- Y’a t-il des fautes de frappe ou autres erreurs dans le contenu ? Les faux sites d’actualités en contiennent généralement beaucoup.


3/ Formuler des perspectives positives pour que votre enfant puisse se projeter dans un futur rassurant :


- Informer votre enfant qu’il peut apporter son aide de façon concrète, par exemple en donnant les jouets qu’il n’utilise plus qui seront envoyés à des enfants qui en manque, ou en donnant de son temps à des associations locales.


- Rétablir l’équilibre sur la perception du monde et des autres : "Oui, certaines personnes ont commis des actes horribles, mais il y a aussi des gens qui font des choses formidables, qui s’entraident."


- Faire des bilans positifs, observer ce qui va bien. Nous sommes parfois plus attirés par les informations menaçantes que par les bonnes nouvelles. Il est donc important de rééquilibrer en faisant un journal des bonnes nouvelles et des belles initiatives.


4/ Garder des repères et une hygiène de vie rassurante pour votre enfant :


- Garder des repères : veillez à préserver les routines qui font partie du quotidien de votre enfant, … Et de temps en temps, laissez un peu de place à l’imprévu, à des bonnes surprises !


- Continuez de jouer avec lui.


- Maintenir une hygiène de vie rassurante : le sommeil, l’alimentation et l’exercice physique permettent à notre corps d’être en pleine forme pour gérer les émotions et pour prévenir le stress.


- Pratiquer le sport régulièrement est extrêmement efficace pour gérer l’anxiété de faible intensité ou la morosité. Elle permet aussi à l’enfant de se sociabiliser et de partager autre chose que des temps de jeux vidéos ou de réseaux sociaux.


- Inviter des amis de votre enfant : Cela permet à l’enfant de continuer d’avoir ses repères affectifs. Cela est très rassurant dans son quotidien de savoir qu’il peut compter sur son réseau d’amis. Même petits, les enfants perçoivent très bien les bienfaits des amis.


5/ Prenez du temps pour vous

Theresa Betancourt, professeur agrégée en santé mentale des enfants à l’université Harvard explique que “Les enfants voient et vivent la guerre à travers les expériences de leurs parents” : les membres adultes de la famille jouent donc un rôle crucial pour que l’enfant puisse gérer ses émotions liées à la situation de guerre.


En période de crise mondiale, la peur qu’un conflit qui a lieu à l’étranger soit importé près de chez vous peut devenir très importante. Votre anxiété étant un facteur prédictif important de celle de vos enfants, il devient alors nécessaire de trouver des moyens pour la gérer ! Le stress lié aux événements de guerre vient s’ajouter à d’autres situations de stress que vous rencontrez déjà (travail, relations familiales ou amicales difficiles, problèmes d’argent, précarité).


- Garder le sourire. Le rire est un remède anti-stress très puissant. Souriez : bien que cela puisse sembler très simple, afficher ouvertement votre joie de vivre est le moyen le plus sûr de la transmettre à votre enfant ! Même lorsque les temps sont durs, essayez de préserver des moments où on sourit !


- Introduisez un “moment spécial” avec votre enfant dans la journée. Soyez disponibles pour chacun de vos enfants – même 10 minutes par jour – pour jouer, discuter (sans téléphone, ni télévision). Cela augmente considérablement sa confiance en lui. Vivre des moments de bien-être et de complicité diminue le stress !


- Rester dans l’empathie autant que possible. L’angoisse de la guerre peut déclencher chez tout un chacun un sentiment de colère lié entre autres à notre perte de contrôle. Cette colère peut être dirigée contre des populations, des membres d’une communauté ou même des membres de la famille qui ont un point de vue différent. N’hésitez pas à pratiquer la pleine conscience, des exercices de respiration et de l’activité physique pour gérer cette colère.


- Se Protéger aussi du contenu explicite en limitant votre consommation d’images liées aux guerres. Les images violentes entraînent une anxiété mais même la couverture médiatique traditionnelle peut être une source de stress importante, car elle crée un sentiment de permanence de la menace. Limitez vous à 30 minutes d’informations par jour et surtout que ce temps soit éloigné de l’heure du coucher.


- Demander de l’aide si vous ressentez une angoisse importante. Vous aurez plus de mal à aider votre enfant à relativiser si vous êtes vous-même en prise avec ce type de préoccupation.


- Passer à l’action en choisissant une cause qui vous tient particulièrement à cœur, en proposant votre aide : aide financière, dons de matériels, offrir vos services si vous avez des compétences particulières, accueillir des réfugiés de zone de guerre.


- Faire du sport et prenez soin de vous. Il est important d’essayer de garder une routine quotidienne et une bonne hygiène de vie.


- Avoir confiance en vos stratégies éducatives : Félicitez-vous d’être un bon parent. Dites-vous que vous faites très bien et pour le mieux !


- Apprendre des techniques de respiration et de relaxation rapide. Faites-le le plus souvent possible même si vous ne le faites pas parfaitement. Par exemple, faire régulièrement dans la journée des mini-pauses pour porter son attention sur le moment présent : se concentrer sur ce que l’on voit, sur ce que l’on entend, sur ce que l’on sent, … Observer sa respiration.



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